ThŽorie(s) de lÕaction Ë propos du DOC(K)S thŽorique et de deux contributions : Frontier et Hanna

par Philippe Boisnard

Il sÕagira de parler de deux perspectives sur lÕaction qui sont exposŽes dans le dernier numŽro de Doc(K)s, car en effet, ˆ moins de vouloir dŽvelopper un essai complet sur la poŽsie, il appara”t impossible de saisir dans le dŽtail la somme de ce dernier numŽro. Seul le choix dÕune ligne de structuration pourra permettre de comprendre en quel sens se joue des tensions critiques, thŽoriques et pratiques.  Et pourtantÉ Et pourtant, lÕaction hante de trs nombreux articles, on les croisera, de nombreux en revenant mme ˆ sa descendance, ˆ ses origines grecques. Ce numŽro nÕest pas celui sur lÕaction, mais il en est ici certainement plus question que ce ne le fut prŽcŽdemment, mme si cela fait moins Ïuvre. Plus question, car donnŽ par beaucoup comme question mme de la poŽsie, de son ouverture, de sa rŽalisation.

LÕaction : le choix de deux textes, celui dÕAlain Frontier dŽveloppant une critique explicite de la thŽorie de la poŽsie action directe de Christophe Hanna, et le texte de Hanna renforant les bases ŽpistŽmologiques qui sont les siennes dans son livre pris ici en grippe. Choix de deux textes qui ne pourra ignorer cependant ceux qui croisent ces deux axes, tel celui de Pey, Darras ou encore Leibovici. Pourquoi choisir ces deux perspectives ? Non pas seulement parce quÕils sont lÕun ˆ c™tŽ de lÕautre, mais parce que lÕun et lÕautre me paraissent synthŽtiser deux voies qui sÕopposent aussi bien quant ˆ la dŽfinition ontologique du sujet, que quant aux spŽcificitŽs qui dŽterminent ŽpistŽmologiquement la possibilitŽ de saisir les enjeux dÕune crŽation donnŽe.

SÕils ont ŽtŽ posŽs lÕun prs de lÕautre, cÕest que cette Ždition, comme je lÕexpliquais dans ma prŽsentation gŽnŽrale, nÕest pas une taxinomie alphabŽtique, sorte dÕabŽcŽdaire des animaux de lÕempereur, mais quÕune dynamique problŽmatique a ŽtŽ choisie par les trois acolytes de DOC(K)S. DOC(K)S se prŽsente comme un dispositif, une mŽcanique qui met en jeu,, en rapport de dŽtermination des textes. Ainsi, le texte de Frontier, vient ˆ la suite de textes thŽorique qui se situe surtout dans la modernitŽ. Il en serait en quelque sorte un post-scriptum, ou bien la note, la note venant resituer cela en rapport avec ce qui lui est extŽrieur, qui sÕest posŽ ŽpistŽmologiquement en marge : la poŽsie action directe de Christophe Hanna. Le texte de Frontier viendrait prŽciser ce qui le prŽcde, mais non plus exclusivement en tant que rŽflexion sur la pratique poŽtique dŽjˆ posŽe, composŽe par plusieurs, mais en rapport ˆ ce qui dŽborde cette pratique et que reprŽsente pour une part le texte de Hanna.

Ce qui prŽcde Frontier, fait lՎpreuve des multiples dŽfinitions de la modernitŽ : le rapport du sujet ˆ une langue quÕil pousse aux limites dÕun certain dicible, en voulant affronter lÕimpossible, le rŽel. Frontier, que lÕon conna”t pour Tartalacrme, son livre sur la poŽsie chez belin, entre autres, pose la poŽsie dans un rapport Ç dÕinquiŽtude È vis-ˆ-vis du langage, la poŽsie Žtant lÕinquiŽtude du langage sur lui-mme ˆ partir de la situation au sein de laquelle existe le pote. Ainsi la poŽsie rŽpond pour lui, immŽdiatement dÕune poŽticitŽ ontologiquement Žtablie, quÕil affirme dÕemblŽe, avant sa critique, en tant que postulat ontologique : partant de la distinction entre science et poŽsie, philosophie et poŽsie, il exprime le fait que la diffŽrence fondamentale serait que : Ç la poŽsie est irresponsable È, autrement dit le pote se tient en-dehors de tout rendre compte, de toute instance pouvant en lŽgitimer le geste. Ce geste est Žminemment linguistique, comme cela appara”t par la focale des citations qui lui servent ˆ dŽsigner cette irresponsabilitŽ : Tzara Ç LÕart est une chose privŽe, lÕartiste le fait pour lui ; une Ïuvre comprŽhensible est un produit journalistique È, Artaud : ÈTout vrai langage est incomprŽhensible È. Cette irresponsabilitŽ sera rappelŽe in fine, lorsque pour cl™turer sa critique, il remet en Žvidence la nature de la poŽsie : Ç La poŽsie sՎcrit dans le dŽsŽquilibre, dans lÕinstabilitŽ du signe, dans le porte-ˆ-faux, dans lÕinterminable È. En mettant cela en avant il rejoint par exemple Jacques Darras, qui posant une critique assez ferme des modes de communication actuels, et de la manire dont est devenu le langage, exprime que la langue poŽtique Ç induit une forme dՎtrangetŽ É la poŽsie est lՎtrangetŽ de la prose ˆ elle-mme. Qui ne se reconna”t plus mais se dŽcouvre fils ou fille dissidente ou rebelle È. Et il redouble cela, en disant quÕil est urgent de rŽflŽchir ˆ sa survie.

La poŽticitŽ mise en avant est donc celle de lÕarrachement de la situation symbolique, sociale, politique, etcÉ qui dŽtermine le sujet, en direction dÕun rŽel voilŽ, de cette aura dont les dada•stes nous entretenaient bien Žvidemment dŽjˆ ds les annŽes 10-20. Ontologiquement, lÕessence de la poŽsie, ici re-prŽsentŽe, dŽtermine le langage en tant que mŽdiation pour atteindre une forme de rŽel effacŽ par lÕinstauration de la rŽalitŽ du monde humain. Cette posture est parfaitement dŽveloppŽ par Serge Pey ou bien Giovanni Fontana : Ç La modernitŽ de la poŽsie nՎchappe pas ˆ cette loi. La modernitŽ nÕest pas le nouveau radical dÕune marchandise de la mŽlancolie ou de la mort de la beautŽ. Etre moderne cÕest inventer de lÕinconnu pour voir lÕinconnu. CÕest accoucher dÕune inconnaissance qui conna”t notre connu dÕinconnaissance È explique Pey. Nous comprenons que le langage doit faire trouŽe [cf. Prigent, on pourrait  trouver une mme perspective chez Blaine ou Suel, mais ˆ chaque fois selon des modalitŽs thŽoriques diffŽrentes] dans le tissu de la rŽalitŽ, amener si ce nÕest une explosion, une forme de brche, dÕouverture, ce qui passe par cette alchimie dont parle Giovanni Fontana : Ç au gŽnie poŽtique il est demandŽ de mettre en jeu la synchronisation des processus de conjonction (performance) afin que puissent tre atteints les niveaux formels les plus ŽlevŽs. Le pote, aux prises avec la transmutation de la matire alphabŽtique et verbale, comme lÕalchimiste, sÕemploie ˆ la recherche des possibles facettes de la substance È.

Par ce postulat de la modernitŽ chez Frontier, appara”t une certaine forme de prŽdisposition ŽpistŽmologique quant ˆ sa rŽception des hypothses de Hanna. Il le peroit, lÕapprŽhende [et non pas le com­prend] par le prisme de catŽgories qui prŽdŽfinissent par avance ce que doit tre le langage. Et cÕest selon cette logique de perception quÕil va mettre en critique le terme dÕaction, en lui opposant la rŽfŽrence ˆ Heidsieck et ˆ la dŽnomination de poŽsie-action. LÕaction, de la poŽsie­action, il la pense intransitivement, non pas en tant  que devant aboutir ˆ É , selon une certaine forme de fin a priori posŽe, mais selon une dŽfinition modale qui affecte la poŽsie seulement. Ç Lorsque Bernard Heidsieck, ds 1959 (É) commena ˆ remplacer le terme de poŽsie sonore par celui de poŽsie-action, il donnait au mot action un sens qui nÕa strictement rien ˆ voir avec lÕaction directe du jeune Hanna. LÕurgence Žtait pour lui de faire sortir la poŽsie dÕun enfermement qui lui Žtait intolŽrable È. Ce quÕil entend par action est cette sortie du cadastre de saisie, cÕest la possibilitŽ de faire un effet poŽtique. Pour quelle raison lÕaction, parce que sa finalitŽ est de faire un certain effet de poŽsie, qui nÕest pas possible ou encore qui est diffŽrent, de celui de lՎcrit. LÕaction ne renvoie pas ˆ une fin extŽrieure ˆ ce quÕelle dŽsigne, elle est la modalitŽ dÕappara”tre [qui dŽtermine lÕaisthsis] du poŽtique. LÕaction est bien praxis. Or, quÕest-ce qui fonde cette nŽcessitŽ de lÕaction, cela tient au fait que la modalitŽ du langage puisse faire une sorte dÕeffet sur lÕauditeur impliquant un recul, une forme de dŽport ouvrant au fait que la poŽsie justement est la donation de cette possibilitŽ de sortie, de dŽcloturation de ce qui Žtait admis dÕ

Ainsi les postulats de Frontier se dŽterminent en tant que : 1/ le langage poŽtique se constitue idiolectalement ; 2/ que lÕeffet qui est attendu soit de lÕordre dÕun affect ouvrant lÕauditeur dans une forme de trouŽe face ˆ la rŽalitŽ du monde symbolique ; 3/ que lՐtre de lÕauditeur de la poŽsie soit ouvert ontologiquement ˆ cette donation ; 4/ que lÕaction se rapproche dÕune forme dÕeffet intransitif, dÕintensification actionnelle du poŽtique donnŽ et cela selon des conditions liŽes pour une part on sÕen doute ˆ la phon [il est ˆ noter que son livre sur la poŽsie finit prŽcisŽment sur la question de la voix et contient notamment une partie qui sÕappelle PoŽsie sonore poŽsie action].

Or, certaines critiques peuvent tre portŽes ˆ ces postulats. Ë commencer par la manire dont il dŽtermine lÕauditeur, le spectateur [3]. Tout en Žcrivant, quÕil Ç est libre È, il suppose que lÕassomption de cette libertŽ soit dans la transpassibilitŽ ˆ ce qui survient par la parole poŽtique. LibertŽ qui est en fait ramenŽe ˆ une forme de transcendantalisme de son tre : le propre, lÕauthenticitŽ, ce qui est ontologiquement comme non contaminŽe par les institutions symboliques. La poŽsie de ce fait pourrait tre pensŽe comme acte opŽratoire, qui dite, donnŽe, aurait comme efficace de dŽvoiler, lՐtre de lÕauditeur, de trouer le tissu symbolique qui lÕempche de voir. [2] Cependant ce serait vite oublier quÕaussi bien consciemment, quÕinconsciemment, chaque individu apparaissant dans lÕespace publique est dŽjˆ prŽ-dŽterminŽ par un ensemble de vectorialitŽs aussi bien au niveau perceptifs que conceptifs. Ces vectorialitŽs, nous le savons, cÕest ce sur quoi la sociologie a travaillŽ tout au long du sicle et ceci : du dŽterminisme sociologique durkheimien, jusquÕaux transmissions dÕhabitus et aux polarisations des champs dÕappartenance chez Bourdieu. Le problme ici que je soulve est celui en effet de savoir ˆ qui on sÕadresseÉ Ë qui Žcrit-on quand on Žcrit sans tenir compte de tout compte ˆ rendre ou de tout rendre compte vis-ˆ-vis dÕune instance ordonnanant lÕespace symbolique ? LÕauteur Žcrit en direction de soi, et de cette authenticitŽ, chaman de lui-mme, et il suppose rencontrer la mme tension chez lÕautre. Si, en effet la postulation dÕun rŽel en-deˆ de lÕinstitution symbolique du monde entre ainsi en Žcho avec un certain nombre dÕindividus, toutefois, Žtant dans le forage et postulant une ontologie de lÕhermŽticitŽ poŽtique [1], lÕidiolectal poŽtique, cette position, sÕauto-constituant en tant que situation dÕo peut tre dit le vrai poŽtique, ne se pose pas la question du rapport entre sa lettre et lÕoreille ou les yeux de ceux qui sont lˆ. Et cÕest en ce sens que la question Pourquoi encore des modernes ? doit tre reposŽe. SÕil est Žvident que cette donation poŽtique entre en Žcho avec des auditeurs, des lecteurs, des spectateurs, reste que cette rencontre, fondant lÕouverture dÕune forme de dimension inter-subjective, nÕest aucunement critre de toute forme dÕintersubjectivitŽ relationnelle liŽe aussi bien au poŽtique quՈ lÕartistique. De plus, et lˆ il me semble que Alain Frontier tombe dans un leurre, et ceci depuis son livre chez Belin, il privilŽgie le mŽdium sonore pour caractŽriser lÕaction, alors que Derrida nous a bien enseignŽ le double-bind se situant dans cette perspective, et en quel sens derrire lÕimmŽdiatetŽ phŽnomŽnale postulŽe se cachait la perspective de retrouver une archi-trace fondamentale, prŽ-inscrite dans lՐtre [cf. le cas Artaud bien entendu et lÕanalyse de Derrida dans LՎcriture et la diffŽrence] [4].

De ce fait, une triple limite impensŽe appara”t selon une telle dŽmarche : 1/ il y a cl™ture de la scne de construction du langage poŽtique implicitement ou explicitement posŽe par lÕontologie de la poŽticitŽ impliquŽe en rapport ˆ lÕontologie de lÕhomme, 2/ lÕaction poŽtique dans son intransitivitŽ est hantŽe par une forme dÕa priori mŽtaphysique de la voix, dÕune forme de donation mŽdiumique dŽterminŽe 3/ cela implique aussi, et les articles qui se font Žcho dans DOC(K)S en tŽmoigne, un a priori ŽpistŽmologique quant ˆ la possibilitŽ de parler de poŽsie. Et lˆ, il nÕest quՈ noter la dŽfŽrence quÕemprunte Frontier, se faisant ma”tre (rappel des Žtymologies, de leur sens en contexte) et minorant ˆ plusieurs reprises Hanna par des qualificatifs tels que le Ç jeune È.

Ici appara”t, au sens de Bachelard, un obstacle ŽpistŽmologique, qui empche je crois ˆ Frontier, comme ˆ dÕautres de ces penseurs de la poŽsie de saisir les enjeux posŽs entre autres par Hanna. LÕobstacle ŽpistŽmologique qui est en rapport avec la thŽorie de Frontier serait celui­

ci : une forme de naturalitŽ de la langue poŽtique, dÕorigine prŽdŽfinie et delˆ reconnaissable.

RŽsultat : pour mettre en critique la pensŽe de Christophe Hanna, au lieu de penser ˆ partir soit des fondements ŽpistŽmologiques propres ˆ Hanna lui-mme [et regarder selon des rgles donnŽes la bonne formation, la cohŽrence, la conformitŽ logique, en quel sens cela peut rendre compte justement de certains objet poŽtiques], soit en recherchant de nouveaux moyens ŽpistŽmologiques dÕapproche, il juge et soumet ce qui lui est extŽrieur ˆ ses propres catŽgories de perception. Il y aurait lˆ

Ñ je crois Ñ une sorte dՎpistŽmocentrisme.

Or, justement ce que pose Hanna, ds PoŽsie action directe, mais beaucoup plus explicitement dans son nouveau texte, cÕest la possibilitŽ de la crŽation ŽpistŽmologique face ˆ certaines crŽations artistiques ou bien linguistiques. Car la question que nous sommes un certain nombre ˆ poser est celle de la mise en relation entre la situation dans laquelle nous sommes inclus, et de lÕautre la production dÕobjet qui y sont intriquŽs dÕune certaine manire. Ces objets Žtant des formes dÕarticulation de la connexion situationnelle. Ces objets, que cela ceux par exemple de la RŽdaction [diaporama ou rapport], ceux de Yves Buraud [tel son petit atlas urbain ou bien ses affiches], ceux de lÕAgence_Konfllict_SysTM [objet informationnel diagrammatique ou bien constituŽ dans le rŽseau internet] ne peuvent plus tre apprŽhendŽs par les catŽgories a priori posŽs par Frontier et dÕautres, sous peine dՐtre tenus dans une forme dÕignorance, aussi bien critique quՎditoriale. Car, et je reprends ici ce quÕexplique avec pertinence dans son article Franck Leibovici : Ç le document poŽtique est transitif parce quÕil est actif, cÕest-ˆ-dire traversŽ par des flux dÕinformations entrant et sortant (inpouts-outpouts) È. Et lˆ je rappelle seulement ce que je constatais dans ma note n¡5, il y a bien une certaine forme de pratique de la poŽsie, qui est irrecevable, et ceci non pas par les institutions symboliques extŽrieures ˆ la poŽsie, mais par la poŽsie elle­mme [considŽrŽe en tant quÕunitŽ synthŽtique polarisŽe sur la modernitŽ], en tant que les pratiques, ˆ chaque fois singulire et archipellisŽe enveloppe cet impensŽ constant dÕune certaine forme dÕontologie.

Ceci pose la question de la transformation des fondements intentionnels tout ˆ la fois de la rŽception de cette rŽalitŽ symbolique, et dÕautre part une transformation intentionnelle quant ˆ lÕacte de production. Et cÕest ici que Christophe Hanna, comme au niveau de la rŽception des ouvres informatiques Mario Costa comme je le rappelle dans mes notes publiŽs dans ce DOC(K)S [note n¡5 : une nouvelle ŽpistŽmologie], pose la question non pas seulement de ce que sont ces crŽations, mais en quel sens nous imposent-elles de rŽflŽchir et de prendre le risque de la crŽation de nouveaux prismes de perception et donc dÕune rŽflexion critique sur les critres ŽpistŽmologiques de notre approche. Et ceci, ds lors que nous est apparu que le prisme critique de la modernitŽ obŽissait ˆ certaines fixations de catŽgories dÕapprŽhension, en les dŽplaant, en les rŽinterrogeant, en tentant de montrer pour quelles raisons elles sont dans la difficultŽ dÕapprŽhender certaines formes. Cette difficultŽ peut se voir dÕune certaine faon dans lÕarticle que fit Prigent dans FusŽes n¡8, portant sur La ritournelle de Fiat et dÕautre part PoŽsie action directe de Hanna ou encore dans son entretien avec Pascal Bouchet-Asselah, o dŽfendant lÕinquiŽtude du sens, il en vient ˆ parler de la jeune gŽnŽration de poŽsie, et pour en poser la spŽcificitŽ se rŽfre aux lignŽes gŽnŽalogiques. Si pour une part Prigent a raison, Ç aucune Ïuvre ne na”t sponte sua, sans gŽnŽalogie È, ce que je ne cesse de rŽpŽter depuis la fin des annŽes 90 par rapport ˆ la post-modernitŽ elle-mme, toutefois, reste que la question de lÕapprŽhension ne se polarise pas sur le recoupement gŽnŽalogique des formes, mais sur la question des rapports de connections ŽtudiŽs gŽnŽalogiquement. Ainsi, pour poser Burroughs, ce qui est important pour un certain nombre dÕentre nous, ce nÕest pas tant les formes plastiques ou littŽraires posŽes en elles-mmes [ce qui caractŽrise les modernes, leur rŽfŽrence ˆ son travail] mais en quel sens la pratique du cut-up, du brouillage correspond ˆ une intentionnalitŽ dÕinter-connection situationnelle dŽterminŽe Žpoqualement. Donc cÕest la question de la connectivitŽ qui est posŽe et non la question de la nature de la matŽrialitŽ poŽtique ou artistique. Et ceci parce que justement il y a un retournement ŽpistŽmologique majeur, que semble ne pas comprendre Frontier, cÕest que lÕÏuvre est ˆ penser selon les procŽdures de connectivitŽ et non selon son positionnement.

Nouveau prisme de perception : comment une Ïuvre quelconque se dŽfinit 1/ soit par un ensemble de catŽgories a priori dŽfinies et dŽlimitant un seuil de rŽception ; 2/ soit par le fait quՎtant, elle ne parvient pas ˆ tre apprŽhendŽ, elle est comme je lՎcrivais en parlant dÕEspitallier et de son ThŽorme, dÕun mauvais genre, dÕun genre indŽfinissable, comme lÕimplique Hanna : a-gŽnŽrique, cÕest-ˆ-dire sans genre a priori. La possibilitŽ [2], pour la poŽsie ou bien lÕart demande immŽdiatement de rŽflŽchir soit aux raisons de son inadmissibilitŽ, soit en quel sens il est nŽcessaire de rŽflŽchir les catŽgories qui peut-tre ˆ lÕÏuvre dans la perception, se construisent comme des obstacles ŽpistŽmologiques pour son apprŽhension et delˆ rŽflŽchir ˆ un ensemble de catŽgories rendant recevable sous le principe de leur conditionnallitŽ lÕÏuvre prŽsente.

Pour saisir cela Christophe Hanna part de la conjonction entre dÕun c™tŽ une anecdote de voyage, et dÕune discussion ˆ propos dÕun morceau de musique Keyboard study#2 Terry Riley, de son ennui et des raisons pratiques pour le conducteur ˆ se passer boucle durant le voyage cette musique et de lÕautre la thŽorie de la perception de lÕÏuvre prŽsentŽe par Kendall Walton.

Pour bien comprendre toute la distance entre Hanna et Frontier : il suffit de dire que lÕapprŽciation de la pice Keyboard Study#2 est dŽterminŽe selon les conditions pragmatiques de son Žcoute (sa situation) au sens o lÕintentionnalitŽ de lÕauditeur correspond ˆ des dispositions pratiques, cognitives spŽcifiques. Ç La question de lÕusage (Ç quÕen faire ? È) et de la finalitŽ (Ç ˆ quoi a sert ? È) se prŽsentaient alors comme sous-jacente ˆ tout jugement de gožt et mme toute apprŽciation sensible È. Est interrogŽe, comme je lՎcris moi-mme dans la note n¡5 de ma contribution : Ç la constitution des strates symboliques qui dŽterminent la reprŽsentation du monde È. La rŽception du morceau de musique ne provient pas des formes  prŽ-Žtablies intellectuellement et apprises, mais plut™t de la possibilitŽ circonstancielle de la rŽception de lÕÏuvre, et donc du rapport pragmatique entre la donation matŽrielle de la crŽation et la situation empirique [conditionnŽe aussi bien Žconomiquement, socialement,culturellement, pratiquement] du rŽcepteur. Et cÕest ce que Hanna va mettre davantage en lumire en explicitant la thŽorie de Kendall Walton et en dŽpassant son aporie interne. Kendall  Walton encore peu connu en France, mme si on en retrouve de nombreuses mentions, dŽveloppe une thŽorie de la relation ˆ lÕÏuvre, dans la lignŽe ŽpistŽmologique dÕapproche comme celle de Dewey ou de Danto : ˆ savoir quÕest-ce qui fait quÕune Ïuvre fonctionne quant ˆ sa rŽception. Il dŽveloppe cela parfaitement dans Mimesis as make believe. On the fondations of representational arts (Havard University Press, 1990). Il explique dans ces pages la diffŽrence quÕil y a entre la rŽception dÕune fiction (en tant quÕil pose que toute crŽation artistique ou littŽraire renvoie ˆ cette dŽtermination) et de lÕautre une thŽorie, telle celle de Darwin : ce sont les contextes empiriques de rŽception qui amnent ˆ poser diffŽrenciellement la rŽception : ainsi une assertion fictionnelle nÕest recevable que sous les catŽgories que la fiction dŽfinit elle-mme en tant quÕelle dŽveloppe un univers cohŽrent. De mme les assertions de Darwin se dŽfinissent non pas en elles-mmes mais selon les principes empiriques et pragamatiques de leur Žnonciation. La fiction fonctionne en tant que fiction ˆ la condition que je sois dans la situation intentionnelle (la connection) dÕun faire-semblant face ˆ lÕunivers proposŽ, ceci permettant mŽdiatement la connectivitŽ sensible ˆ la donation et ds lors de ressentir ce qui a lieu comme si cՎtait vrai. La thŽorie de Darwin implique pour sa part [et Popper nous a sensibilisŽ ˆ cette coneption ontologique] la mise en relation avec le plan ŽpistŽmologique de cohŽrence qui est le sien. Son Žvaluation ne dŽpend pas de ses critres internes, mais bien de lÕensemble des connections avec aussi bien les autres thŽories, quÕavec les dŽcouvertes empiriques qui vont aboutir ˆ la palŽontologie. De ce fait nous pouvons comprendre, que par exemple la thŽorie de Darwin, pour un rŽcepteur qui sÕauto-positionne pragmatiquement selon les catŽgories du renouveau ŽvangŽlique amŽricain, ne puisse tre comprise que comme porte-ˆ-faux, du fait que justement les conditions pragmatiques de sa recevabilitŽ ne sont pas enveloppŽes dans sa propre intentionnalitŽ. Celle­ci alors Žtant ouverte davantage aux thse de lÕintelligent design.

Nous percevons que la thŽorie de Kendall Walton, qui est rŽsolument comprise dans le prolongement du tournant ŽpistŽmologique post-moderne, pose que la recevabilitŽ dÕune Ïuvre se conoit selon un ensemble de relations : 1/ dÕune part contextuelle et pragmatique ; 2/ intentionnelle et subjective. En ce sens, il faut accomplir en quelque sorte le tournant ŽpistŽmologique que prŽconise Dominique Lestel au niveau de lՎthologie animale : si on pose des questions humaines ˆ un animal : cÕest certain il para”t con. Par contre si nous posons les questions que lÕanimal nous pose ˆ lÕanimal, on entre dans la dimension de sa propre cohŽrence en tant quՐtre ouvert au monde. Je pense en ce sens que la thŽorie Waltonienne pourrait tre pensŽe en tant quՎthologie des Ïuvres, une analyse de leur manire dՐtre, dÕentrer en contact, en relation, en connection avec un milieu.

Cette thŽorie de Kendall Walton, si Hanna ne la rappelle pas, lÕamne ˆ poser la question de la crŽation ad hoc de la possibilitŽ de rŽflŽchir lÕapparition dÕune Ïuvre dont nous nÕavons pas a priori les catŽgories prŽdŽterminŽes selon un mŽta-discours.

La poŽsie action directe se caractŽrise alors selon un principe de connexions au monde, ˆ partir non pas de lÕauto-constitution excentrŽe de lÕessence du poŽtique comme reliŽ au rŽel, mais comme objet qui entre dans le jeu des flux de significations dŽjˆ activŽes dans lÕinscription situationnelle o elle se trouve et lˆ se trouve toute la pertinence de lÕanalyse que fait Hanna de Pierre Reimer ou de Julien Blaine. Chez ce dernier, il montre en quel sens lÕoccupation des socles pose une question politique, au sens o lÕensemble des dispositifs mis en Ïuvre, informatif et esthŽtique, renvoie ˆ la possibilitŽ dÕune mise en sens qui se dŽfinit ˆ partir de vecteurs cognitifs ayant traits ˆ la comprŽhension de la relation entre pouvoir politique, patrimoine artistique urbain, et intensitŽ du marquage de lÕart dans cet espace gouvernŽ par le politique. De ce fait, lÕaction de Julien Blaine ne peut tre comprise quՈ la condition o on redŽfinisse les catŽgories du prisme dÕobservation, ce quÕaccomplit Hanna. Mais le cas de Pierre Reimer prŽcise encore davantage le propos. Il sÕagit de la destruction de la villa MŽdicis, ou plus exactement de son incendie et de la photographie quÕa fait Reimer de cet incident. Pour dŽcrire rapidement le dispositif interprŽtatif de Hanna : aprs avoir mis en Žvidence le premier geste de Reimer, qui est de faire couper un arbre dans le parc de la Villa, son deuxime geste tient ˆ une photographie trop parfaite de lÕincendie pour nÕobŽir quՈ lÕinstantanŽ, quՈ la contingence. Ce que montre Hanna, cÕest que chez Reimer, est mis en question la liaison entre art, destruction, reprŽsentation de la destruction de lÕart et lieu de cette reprŽsentation pris lui-mme dans ce processus de destruction.

Ce quÕil faut bien comprendre cÕest que chez Frontier comme chez Hanna, appara”t la nŽcessitŽ de penser la nature de la rŽception. Toutefois, cÕest lˆ que Hanna diffre et ceci a des implications ŽpistŽmologiques importantes : il pose que de poŽtologie, il est possible dÕen gŽnŽrer, et ceci en situation, ad hoc. Ainsi ce quÕil nomme une poŽtologie serait la manire de reconnecter et ceci en adhŽrant aux critres et catŽgories vŽhiculŽes par lÕÏuvre elle-mme, par son implication situationnelle et par lÕensemble des connections qui la posent en rapport ˆ la rŽalitŽ symbolique. Il est Žvident que ce qui est dit lˆ, renvoie aussi au postulat de la modernitŽ que lÕon trouve dÕemblŽe avec les surrŽalistes et la nouvelle ŽpistŽmologie devant penser cette poŽsie nouvelle [cf. La philosophie du surrŽalisme dÕAlquiŽ], ou que lÕon voit dans les analyses du groupe Tel quel, posant thŽoriquement les bases de la rupture quÕils inauguraient. Toutefois, ce qui insiste chez Hanna, et que lÕon ne voit que peu ailleurs, du fait que cela soit davantage du c™tŽ de pensŽes libŽrales que lÕon trouve cela (dÕo la tradition anglo-saxonne que Hanna traverse) que du c™tŽ des pensŽes ancrŽes ˆ gauche, cÕest cette Žthique postulant la possibilitŽ de lÕactivation dÕune poŽtologie qui pourrait tre sans cesse nouvelle, situationnelle, afin dÕintensifier certains ordres de connections qui nÕapparaissent pas dÕemblŽe apparent, visible. Et ceci pour que certains effets cognitifs, logiques, puissent opŽrŽs.

Si on se demande vŽritablement, et ceci au sens dÕun vŽritable relativisme ontologique de la constitution du sens en rapport ˆ la situation, comment analyser, saisir, une crŽation aussi bien artistique que littŽraire, on sÕaperoit quÕil  y a bien un certain nombre dÕobjets [faut-il rappeler quÕaussi bien la notion dÕOLNI, que dÕOVNI ou dÕOSNI partent toujours du positionnement du phŽnomne littŽraire ou poŽtique en tant quÕobjet] qui ne peuvent tre saisis par les logiques ŽpistŽmologiques Žtablies dans ce sicle notamment pour Žtablir la modernitŽ littŽraire. Il ne sÕagit pas de dire que ces thŽories sont caduques, ce serait une aberration au niveau ŽpistŽmologique justement, mais de poser leur domaine de compŽtence, de voir comment elles Žtablissent leur objet et de lˆ saisir les moyens possibles pour justement permettre une prise en vue qui nՎtait pas encore possible. CÕest en ce sens que se polarise encore davantage, il me semble, le tournant dÕune forme critique post-moderne. Alors quÕest fait plut™t mention de la postmodernitŽ dÕun point de vue pratique, de ses crŽations, et au niveau des mŽtadiscours sur la postmodernitŽ, ici ce quÕil sÕagit de saisir est ˆ lÕinterstice des deux, le cha”non manquant en quelque sorte : les bases ŽpistŽmologiques pour la formation de thŽorie post­moderne. En quoi postmoderne : par une transversalitŽ thŽorique et situationnelle, qui tente de dŽterminer les modes de connectivitŽ possibles dÕune rŽalisation, en rapport avec la variation possible du sujet humain et ceci compris dans la variation de sa situation.

On peroit les diffŽrences : la modernitŽ dŽtermine un certain mode de connectivitŽ de lÕÏuvre, qui repose sur une certaine dŽtermination ontologique du sujet, et ceci surdŽterminant de fait la situation [par une logique dÕarrachement existentiel permis par la modalitŽ dÕaction de la poŽsie]. Impasse si on postule cela en tant que principes.

Par contre, ˆ partir de ce tournant ŽpistŽmologique post-moderne, qui permet de saisir lÕhomme non pas tel quÕon voudrait quÕil soit [ï dŽsespoir !!!] mais tel quÕil est, il est possible de voir la logique de toucher, dÕaction, de la poŽsie moderne comme cas particulier des rapports dÕimpaction de lÕobjet gŽnŽral quÕon appelle poŽsie.

Certes Hanna ne va pas jusque lˆ, et ceci peut tre expliquŽ situationnellement. Que cela soit le texte de Frontier ou bien de Hanna, tous les deux entrent dans un jeu dialectique de dŽfinition, au mme titre que celui de Philippe Castellin dans ce numŽro de DOC(K)S. Le texte de Frontier tŽmoigne dÕune crispation thŽorique, posant comme acte dŽfensif, tout ˆ la fois martial et magistral, un certain ordre de connectivitŽ au travail poŽtique. De mme, mais autrement, Hanna se retrouve dans la position de poser une nouvelle forme de connectivitŽ, impliquant une forme de relativitŽ de la connectivitŽ moderne. Comme Althusser en son temps lÕavait remarquŽ en parlant de la place que la psychanalyse sՎtait faite par rapport ˆ lÕarchitectonique des sciences et aux positions occupŽes, ds lors quÕil sÕagit de crŽer une nouvelle dŽmarche intentionnnelle, il est nŽcessaire de montrer des espaces vacants, ˆ savoir que lÕarchitectonique constituŽe, lՎtait en tant quÕelle conservait certaines zones impensŽes. Ce qui est bien un acte de violence critique. Le geste ŽpistŽmologique de Hanna en ce sens enveloppe une certaine forme de violence par rapport ˆ la poŽsie, et cÕest en cela, que psychologiquement, cela peut devenir aussi un obstacle ŽpistŽmologique [cf. Bachelard], au sens o il ne va pas jusquՈ impliquer ses rŽsultats au niveau de la poŽsie moderne, qui est bien une certaine forme de mise en jeu pragmatique et
intentionnelle de la connectivitŽ situationnelle entre un sujet percevant et une chose perue.

[CÕest pourquoi, et cela sans

rire, je propose lÕensemble ð en

tant quÕensemble infini qui

regroupe les possibilitŽs

dÕensemble P, PÕ, PÕÕ, etcÉ qui

sont des ensembles dŽfinissant

ˆ chaque fois spŽcifiquement

des modalitŽs poŽtiques

(matŽrialitŽ, connectivitŽ,

impactualitŽ, É)]

La thŽorie ŽpistŽmologique vers laquelle nous allons, que cela soit Hanna, Leibovici ou moi-mme, est celle de la prise en charge de la question de la recevabilitŽ dÕune Ïuvre, non pas selon un ensemble de prŽ-dŽtermination ŽpistŽmologique et ontologique dŽfinie, mais selon une rŽflexion impliquant la nŽcessitŽ dÕune enqute des processus ˆ chaque fois singulier, impliquŽ par une crŽation. CÕest en ce sens que pour ma part je ne peux suivre ce que dit Castellin dans son article, mme si pour une part nos positions se rejoignent sur bien des points. En effet, alors que Castellin met en critique certaines conditions ontologiques de la dŽfinition de lÕÏuvre, reste quÕil est encore hantŽ quant ˆ la question de la rŽception par la sensibilitŽ du sujet : Ç LÕeffet poŽtique est ŽprouvŽ, il est de lÕordre non pas du jugement thŽorique ou historique mais de ce qui est ressenti et, analysable ou pas, non nŽcessairement analysŽ È. Comme je lÕai dŽveloppŽ dans mes articles mettant en Žvidence la variation qualitative des impactualitŽs, il est nŽcessaire dÕinsister sur le fait que la perception ŽpistŽmologique qui mÕintŽresse ici, cÕest celle qui pose au mme niveau, horizontalement et donc sans hiŽrarchie, ce que jÕappelle les impacts cognitifs, les impacts sensibles, qui sont des modalitŽs dÕaffects. Les impacts cognitifs, il est Žvident quÕils ne sont pas ŽprouvŽs, mais quÕils sont comprŽhensibles en tant quÕils enclenchent chez le rŽcepteur une dŽmarche thŽorique dÕanalyse, qui tŽmoigne de son intŽrt. Alors que neuro-linguistiquement, il est notable que lÕimpact sensible, et son affect liŽ, est exprimŽ, par Ç cela me pla”t È, Ç jÕaime bien È, en tant que ces expressions connotent lÕunitŽ intuitive dÕune Žmotion sensible, neuro-linguistiquement, lÕimpact cognitif sera tŽmoignŽ  par un Ç cela mÕintŽresse È, Ç cela me fait penser ˆ È. Ici aucun privilge de lÕun sur lÕautre, mais seulement la nŽcessitŽ de rŽflŽchir ˆ chaque fois aux conditions impliquŽes dans une rŽalisation, afin de pouvoir penser dÕune manire ad hoc, la thŽorie possible intensifiant la connectivitŽ de lÕÏuvre ˆ ce vis-ˆ-vis de quoi elle prŽtend se connecter. CÕets pourquoi contrairement ˆ Castellin, et en Žcho ˆ Hanna, je pense que rŽflŽchir selon les conditions de constitution ŽpistŽmologique de lÕensemble , exige dÕen finir de la dualitŽ poŽsie/science, ou encore cognifif/sensitif.

Ce qui mÕamne ˆ conclure sur la question non pas de la rŽflexion ŽpistŽmologique, mais de la diffusion et de la production de ces types de travaux. Il y a de cela quelques jours, au tŽlŽphone avec Hanna, je lui tŽmoignais dÕune certaine forme de solitude par rapport ˆ nos pratiques, solitude non pas seulement accidentelle, mais qui est impliquŽe aussi par le type de rŽflexion mise en Ïuvre par les crŽations qui nous occupent. Donc, je le souligne non pas solitude pathologique dont certains se plaignent, qui taraudent leur ego et qui crient quÕil leur faut des amis [cÕest dr™le my space pour cela], mais solitude causalement impliquŽe par une dŽmarche causant un important dŽtachement social : celle de la construction comme je lՎnonce depuis 2000 de pige ˆ con [pour comprendre cela cf. Les transformateurs Duchamp de Lyotard, et la crŽation web [Petites annonces] de LÕAgence_Konflic_SysTM, entre autres] exigeant un excentrement tout ˆ la fois relationnel que de diffusion de la production [cf. lÕexpŽrience SarkozyprŽsident2007.com de lÕA_K_S, et du travail de trolling dans la blogosphre, cette production pour sa diffusion ne pouvait appartenir au milieu de la poŽsieÉ]. Cette solitude est impliquŽe au sens o ce qui est mis en Ïuvre ne tient pas ˆ la crŽation dÕune inter-subjectivitŽ sensible reliŽe ˆ la poŽsie et ˆ une certaine forme dÕontologie du sujet (ce qui a lieu avec la modernitŽ, avec les impacts affectuels sensibles, dÕo certains phŽnomnes dÕengouement, de rŽpŽtition ou dÕimitation que lÕon voit en France par exemple autour de Charles Pennequin), mais dÕune dŽmarche de crŽation dÕimpacts cognitifs pensŽs selon certaines segmentaritŽs symboliques et certaines dŽterminations catŽgorielles qui imposent des contextualisations hŽtŽrognes avec toute dimension apriori poŽtique. Solitude ainsi du pas en arrire et de la proposition dÕobjets qui a priori sont en effet irrecevables aussi bien 1/ par la tradition poŽtique [il nÕy a quՈ voir o en sont les revues de poŽsie, DOC(K)S ou Talkie-Walkie dÕHortense Gauthier font bien exception dans le paysage actuel (et ceci aussi bien au niveau des revues papier que sur le web) 2/ par les institutions qui accompagnent la diffusion (quoi que par expŽrience, Žtant programmateur, et Žtant appelŽ rŽgulirement pour conseiller certaines institutions, je mÕaperois que la rŽception est meilleure dans des dimensions extra-poŽtiques que poŽtique). Et si cela pose une certaine solitude dans la production, cela aussi a des consŽquences au niveau Žditorial : comment diffuser ces pratiques ? Le texte de Laurent Cauwet dans DOC(K)S, lÕune des rares maison dՎdition ˆ avoir dŽfendu ce type de dŽmarche ˆ avoir acceptŽ des modalitŽs de diffusion totalement hŽtŽrogne avec la logique Žditoriale, avec actuellement še dÕEric Arlix, prophŽtisait dŽjˆ le dŽp™t de bilan, la fin [ˆ voir ?] de cette aventure. Quel statut de diffusion pour ces expŽriences dÕobjet, qui de par ce quÕils impliquent, sont assez souvent hŽtŽrognes ˆ lՎdition classique [tel par exemple War-Z actualitŽ que jÕavais accompli en 2003, qui nÕavait de sens que dans sa dimension directe dÕun spampoetry internationnal et qui au niveau de sa rŽception demandait bien Žvidemment la crŽation directe, ad hoc de sa thŽorie ce que je fis dans lÕarticle hackt¡ theory publiŽ par DOC(K)S] ? Car il est bien Žvident, que par derrire se pose bien Ñ et ceci aussi bien subjectivement quÕobjectivement Ñ la question de la conservation, de la trace de ces pratiques, et de la possibilitŽ de leur saisie thŽorique.

Au lieu de penser un systme Žditorial conventionnel, ne faudrait-il pas rŽflŽchir davantage ˆ un label [notion ˆ dŽterminer en sa rŽalitŽ empirique et pragmatique], enveloppant synthŽtiquement alors cette pluralitŽ de dŽmarche tout aussi bien productive que thŽorique ? CÕest, je crois, ce vers quoi nous irons, pour un certain nombre.

Arras, le 26 octobre, 2006.

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