POÉSIE ÉLECTRONIQUE

 

 

Il faut souligner ici le travail exemplaire réalisé par la revue Doc(k)s série 3, animée par Philippe Castellin à Ajaccio, qui a sorti en 1997 un numéro consacré à "Poésie & informatique" accompagné d’un CD-ROM, en coédition avec la revue Alire,(1), et en 1998 un numéro consacré à la "Poésie Sonore" accompagné de 2 CD audio (2). Ce qui la différencie du Doc(k)s de Julien Blaine, la revue internationale de poésie visuelle, c’est son caractère thématique et son accompagnement d’un support numérique.

 

Le numéro Poésie & Informatique a fait l’objet d’une présentation au cours d’une Revue Parlée au Centre Pompidou (3) et d’une émission A.C.R. à France-Culture (4). Dans ce numéro, signalons l’article de Ladislao Pablo Györi, un argentin, qui parle de création assistée et développe ce qu’il appelle la VPoésie ou Poésie Virtuelle, des mots en 3 dimensions qui flottent dans l’espace, comme on peut le visualiser sur le CD-ROM dans la partie animations, mots qui se décomposent et se recomposent à partir d’un changement de lettre. Une poésie en 3D qui pourrait être dans le futur manipulée comme des objets dans un environnement interactif sur internet. Dans ce même numéro, signalons ce texte de Jean-Pierre Balpe sur la notion de "Méta-Auteur" : "Le Méta-Auteur est celui qui tout en acceptant la responsabilité des textes produits ne peut s’y sentir totalement impliqué", Jean-Pierre Balpe qui a développé avec le plus de conséquence la génération de texte à l’ordinateur. La partie animations du CD-ROM, la plus intéressante, montre entre autres des travaux d’Akenaton (Jean Torregrosa et Philippe Castellin), de Balpe, de Bootz, du portugais Barbosa, du brésilien Augusto de Campos, de nous-même avec Guillaume Loizillon, d’Eduardo Kac, de Tibor Papp et de Claude Maillard, et un hypertexte de l’américain Rosenberg.

 

Le numéro sur la Poésie Sonore, intitulé Doc(k)Son, accompagné de 2 CD audio qui fonctionnent comme des partitions indépendamment de leur contenu, comprend dans sa partie revue papier, outre un texte du tchèque Milan Grygar, auteur d’un curieux disque en 1969 (5), une étude du suédois Sten Hanson qui a organisé les soirées de Text-Sound Compositions de Fylkingen à Stockholm, "un genre intermedia entre littérature et musique". Dans cette étude, il souligne l’importance de l’existence depuis 1965 à Stockholm de l’EMS (Electronic Music Studio) qui a permis aux poètes suédois, ayant un accès permanent à ce studio, de produire des oeuvres techniquement plus sophistiquées. Dans un autre texte, Serge Pey parle de la "langue arrachée" de Philomèle comme mythe fondateur de la poésie : "Le tombeau vide, que construit Procné pour sa soeur à la langue arrachée, est celui du poème" et il est difficile ici de ne pas penser aux fameux Tombeaux de Mallarmé. Autre texte, celui de Nicholas Zurbrugg sur Robert Lax (6), le poète américain mythique qui vit depuis des années en solitaire dans l’île de Patmos en Grèce. Nicholas Zurbrugg reprend à son propos le concept de "langage vertical" développé par Eugene Jolas dans la revue Transition, "commençant au sommet et descendant, quelquefois même syllabe par syllabe... un peu comme un film" selon Lax. Pour Zurbrugg, son attention au potentiel du mot individuel, à l’image individuelle reflète son intérêt pour "les permutations qui trouvent leur place dans la nature et dans la vie la plus microscopique..., à l’échelle de l’ADN". Citons aussi d’Augusto de Campos Poema Bomba dans sa version sonore, sur CD.

 

Prenant la suite de la Poésie Sonore née et se développant dans les années 60 / 70 à partir de la vulgarisation du magnétophone, un nouveau courant est en train de naître à partir des années 90 autour de ce qu’on pourrait appeler la "Poésie Numérique", pour faire plus court que "Poésie Sonore Numérique" (7), avec, outre nous-même, de jeunes auteurs, comme Anne-James Chaton du groupe TIJA, Globensky, Thibaud Baldacci (8), Eric Sadin, Olivier Quintyn, utilisant les technologies numériques de l’ordinateur, dont celles utilisées par les musiciens pour le traitement du son en direct, ici en l’occurrence la voix.

 

Jacques DONGUY

voir en ligne sur le site http://www.costis.org/x/donguy/numerique.htm

 

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