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1976 / 2016

 

voir interview Philippe Castellin / Philippe Boisnard

 

 

DOC(K)S naît en France en 1976, à l' initiative de Julien Blaine, poète qui en assuma la direction et l'édition jusqu' en 1989 - De 1989 à 1991, la revue tombe en sommeil, jusqu'au moment où Julien Blaine en propose et transmet la direction et la responsabilité éditoriale à Akenaton (Ph. Castellin, J. Torregrosa). Depuis 1976, 120 numéros, très volumineux, ont été publiés selon 4 "séries", la première dominée par le choix de livraisons liées à des zones géographiques, la seconde (1987) par une structure assagie, plus conforme au terme de revue, la troisième (1990) par des numéros "thématiques" intitulés "chantiers" où la dimension numérique, web, CD, DVD, poésie programmée etc... a pris rapidement une importance déterminante. Quant à la 4° série, initiée en 2006-2007 elle se différencie de la précédente par la "mise à jour" du comité international et par le retour de Julien Blaine au sein du comité de rédaction pour l'année 2006-2007 et la publication du numero "Théories/Poésies: la poésie_entre_deux_siècles". Pour le reste, présence du numérique, format et apparence de la revue, choix de travailler par "chantiers" etc, tout reste identique et la charge éditoriale continue à être assumée par Akenaton.

Un même esprit anime les 4 "séries". Il se marque d'abord par la volonté de considérer comme matériau poétique l' ensemble des éléments sémiologiques, qu' il s'agisse, dans l' ordre visuel, de l'écriture envisagée plastiquement et conjointe à l'image et au graphisme, ou, plus généralement, des signes et des effets liés à la voix, au corps, à la performance. Cet élargissement situe DOC(K)S auprès des Avant-Gardes du début du siècle et , concrets, visuels ou sonores, de l'ensemble des courants liés à l' expérimentation poétique, courants avec lesquels il partage le souci de libérer la poésie de tout ghetto comme de l' accorder au monde contemporain et aux media qui le caractérisent.

Tirant toutes les conséquences de ce programme d'ailleurs bien plus manifesté ou mis en oeuvre que discursivement affirmé, DOC(K)S brouille très consciemment et systématiquement les rôles et les distinctions, notamment entre le domaine créatif et le domaine technique: la revue est réalisée de A à Z par des poètes qui y assument des fonctions de typographe ou maquettiste afin de maîtriser et intégrer au registre des signes poétiques l' ensemble des paramètres de l' objet imprimé. Par l' attention pratique qu' il voue aux valences de l'écriture, par les multiples traitements auxquels il soumet toute page jusqu' à la faire image, DOC(K)S se distingue sensiblement de toutes les autres "revues de poésie" et, malgré la diversité du matériau qu' il agence, réussit à se constituer lui-même en objet poétique de second rang , work in progress et macro-poème collectif doté d'une personnalité immédiatement reconnaissable à sa langue plurielle et syncopée, riche en collages et détournements, parfois brutale mais toujours vivante. Les modalités de fonctionnement de la revue renforcent cet aspect. Sans cesse et dès son nom, qui renvoie à la fois aux documents qu' on livre et aux lieux du voyage ou de l'importation, DOC(K)S s'est en effet défini comme noeud au sein d'un réseau international voisin du mail art et précurseur du web, réseau qui, alimentant par ses envois chacune des livraisons, en fait un véritable meeting/melting point planétaire. Pareil modèle a permis à DOC(K)S, aux antipodes de tout narcissisme culturel, de " révéler " certains noms, majeurs mais ignorés en France, de la poésie mondiale, sans jamais fermer la porte à des auteurs encore inconnus - ou voués à le demeurer. En quelques 20 000 pages, 3000 poètes aux origines les plus variées ont ainsi pu se rencontrer et faire entendre, un inventaire d'une telle richesse provoquant un élargissement et un renouvellement considérables de la vision que nous pouvons avoir de la poésie actuelle et des chemins qu' elle emprunte.Vis-à-vis de l'art du XX° siècle, DOC(K)S marque alors le passage de l' âge des mouvements et groupes structurés à celui des réseaux affinitaires. Par l'adoption d'une telle logique de la communication créative, il appartient à l'univers télématique et au village global mac luhanien, de même que, par le brassage des codes, il relève du monde des signes réunifiés par le numérique; on ne s'étonnera pas que l'un des numéros de la 3° série aie été consacré à la "poésie animée par ordinateur» et qu'il se soit accompagné du premier CD-Rom de poésie intermedia jamais publié. Du " chantier " au " site " un pas de plus est accompli en direction de l' horizon jadis tracé par Lautréamont , celui d' une poésie faite par tous, non par un.

Philippe Castellin

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