Notes de lecture
FOND D'ECRAN


 Revue DOC(K)S (série 3 21/22/23/24) " UN NOTRE WEB".

Pour ce numéro, la revue papier, constituée d'articles et de la reproduction de la page d'accueil des sites présentés, est accompagnée d'un cédérom qui fournit les liens pour accéder directement à ces sites et la possibilité d'une consultation off-line des oeuvres (débarrassée des contingences des accès à faible débit et du coût des connexions). Web oblige, on y trouve des textes en différentes langues (DOC(K)S parle anglais allemand italien espagnol & scandinavien) et sur le cédérom des liens vers des sites, des oeuvres provenant du monde entier. On y trouve le site de phréatique (http://phreatiq.multimania.com), car il accueille la bande annonce Netmaque (présente sur le cédérom) animation poétique interactive qui prolonge l'article "Le vague au sens Introduction à une littérature de l'écran" (voir phréatique N°87).

 Le chantier Web : art et poésie. Rappelons que le web (le fameux World Wide Web) est un service offert sur le réseau internet. Il utilise le protocole http (HyperText Transfert Protocol) qui permet d'accéder à des pages (contenant texte, images, sons...) et cette navigation de page en page d'un simple clic par exemple sur un mot ou expression (hypertexte). Un autre service offert sur internet, le courrier électronique, a vu naître une expression artistique : le mail-art. Un des articles (p253), Web site story par Jean Monod, raconte l'histoire d'un site (http://aiou.com) consacré à la poésie dés la naissance du web. Cette narration se termine par quelques leçons désabusées tirées de cette expérience personnelle comme celle-ci : "un site artistique, c'est comme un joli petit musée de province..."
 
 

WEB et CREATION.
"Créer avec le web n'est pas mettre des choses en ligne" est le titre de l'article de Philippe Castellin (page 113) "poète, qui s'efforce d'en faire usage poétique ou qui rêve à propos de ce que l'on pourrait en faire, du web" et dirigeant la revue avec Jean Torregrosa. Le web se présente comme un média : on peut l'utiliser pour informer, pour communiquer, le plus souvent à des fins commerciales (le célèbre .COM de COMmercial est maintenant souvent utilisé publicitairement dans le sens de COMmunication). Mais y a-t-il un art web ? Spécifique à ce support ? Feuilleter la revue papier permet de visiter les sites en surface (reproduction de la page d'accueil) et dans l'ordre alphabétique (ou par hasard). Le cédérom affiche les liens hypertexte et ainsi nous pouvons les consulter on-line et donc avec la possibilité, de page en page, de l'explorer ; mais aussi, de liens en liens, accéder à d'autres sites, à tout le web... On lit la revue, on ne lit pas le web, on lit en web.

 On lit car tout est écrit : tous les médias (texte, image, son...) de ce multimédia s'écrivent en 0 et en 1, se formatent , se retouchent, se corrigent. On y sent une orthographe. Pour un texte pas simplement alphabétique, alphanumérique, mais alphamultimédia (on pense aux idéogrammes, à une calligraphie numérique).

 On lit en web : cette confrontation de lecture entre la revue papier et le cédérom met en évidence que le web est une langue, une macro-langue. Le web est une langue dont la syntaxe s'actualise en un texte qui se crée par la navigation du lecteur. Une langue uniquement écrite, mais avec pourtant des caractéristiques de l'immédiateté de l'oral. Où lire, c'est un peu écrire (sélectionner, aménager des signes). Quant au réalisateur d'un site artistique, il est un artisan (anonyme) d'une cathédrale (floue, vague, molle, mouvante), producteur de nouveaux vocables, de règles pour cette langue, l'enrichissant. Des pages, qui ne sont plus maintenues, obsolètes (archaïques), sont rencontrées : il est aussi lieu de mémoire. Le site : chapelle dédiée, indexée au moteur de recherche. Il n'y a pas création d'úuvre , il y a participation à l'úuvre. Une page VERS POUR UN POEME UNIVERS. Noeuds et liens : un quipu à l'adresse d'une autre espèce intelligente dans le cosmos et qui saurait "écouter-lire" les réseaux (comme semble savoir le faire l'espionnage américain). Quipu : c'est la structure que veut donner Jean Monod (ethnologue) à son site aiou déjà cité en introduction. Il n'y a d'oeuvre que le web. Nous sommes dans une configuration art contemporain ; ARTISTE COMPTANT POUR RIEN dans un poème de Lola Ska (page 310).

 En anglais, Jim Andrews (page 28) parle pour cette langue de "langu(im)age". Ce terme, à mon avis, ne montre pas suffisamment la possibilité d'intelligence artificielle et l'introduction de langage informatique ; je lui préfère le terme que j'ai forgé : une LANGUE TECHN'ICONATURELLE (des objets constitués de textes, d'icônes visuels ou sonores, d'algorithme en langage informatique). Chaque écriture artistique en cette langue suppose sa lecture propre : apprendre à jouer de cet instrument, à lire la partition pour la jouer. C'est peut être pourquoi les tentatives les plus intéressantes ont rapport avec la littérature, et s'opposent aux normes du graphisme, du design...
 
 

 WEB et LITTERATURE DE L'ECRAN.
La télévision et la vidéo ont incrusté le texte dans l'image. L'ordinateur a prolongé cette dévalorisation des mots, les mettant au niveau du fond d'écran : des icônes sur lesquels on clique. Rappelons que le virtuel (réalité non actualisée) était le domaine privilégié du discours, de la langue ; la simulation et l'image de synthèse sont maintenant bien plus efficaces. On peut se demander : s'il n'y a plus d'art qui s'occupe de ce propre de l'homme qu'est sa langue, peut-il être encore question d'art tout court au sens où on l'entend.? Cette langue en tant que " à la fois production et fabricant de l'humain " a "à dire" sur l'humanité et où elle va (de là peut être le poète prophète). Par contre la langue techn'ico'naturelle du web a peut être "à dire" sur les êtres technologiques, sur leurs pensées artificielles qui pénètrent les nôtres ; d'où l'intérêt d'un art web...

 La littérature de l'écran utilise, manie une langue techn'iconaturelle ; mais ce qui est en jeu n'est pas ce qui pourrait être un nouvel art contemporain, mais bel et bien de la littérature, de la poésie ; c'est à dire que la matière première est la langue naturelle humaine, que le sujet en est le cúur, que le lien avec la tradition poétique, même s'il est celui de rupture au-delà du codex et de l'imprimerie est fort. Le web en est un support possible, et bien sûr dans ce cas elle s'intègre dans sa macrolangue. Mais isolée, par exemple sur un cédérom, elle apparaît oeuvre en soi (même si des liens, des ramifications... elle fait alors úuvre vitrail de la cathédrale).

 Les oeuvres présentées sur le cédérom sont essentiellement des poésies animées par ordinateur : ce qui a constitué un premier stade d'une littérature électronique, certes avec de plus en plus du multimédia, mais encore peu de création au niveau de l'interactivité et pratiquement pas d'apport de langage informatique, d'intelligence artificielle. Netmaque (http://phreatiq.multimania.com/netmaque.html), conçue pour le web, met en place une interactivité qui veut toujours confronter l'internaute qui se croit visiteur (au mieux regardeur) à son acte de lecture (et d'écriture) ; mais, bande annonce, ne fait qu'annoncer les algorithmes, les traitements qui s'exécuteront dans cette nouvelle lecture recherchée. Au contraire, les oeuvres de JP Balpe privilégie ce côté (on connaît son travail sur les générateurs de textes ; voir http://www.labart.univ-paris8.fr/) ; mais laissons le présenter l'oeuvre dont le lien (http://www.culture.fr/barbebleue/) est donné ici :
" Barbe Bleue est une úuvre scénique sans scène, ou plutôt une scène éclatée à l'ensemble du monde. Sa scène est celle du réseau Internet, Barbe Bleue en utilise toutes les spécificités scénographiques : participation individuelle, participation collective, spectacle en direct, spectacle en temps différé, espace public, espace privé, temps réel, temps différé, mémoires... Chacun peut ici s'inscrire et, y laisser sa trace particulière. Barbe Bleue est une scène en invention permanente dont le château n'est que l'espace virtuel. "

 Mais là, il me semble, nous nous sommes éloignés de la littérature ; mais peut être pour aller justement dans ce qu'on recherchait : un art web.
 
 

 DOC(K)S
12 cours Grandval 20000 AJACCIO
e-mail : akenaton_docks@sitec.fr
son site : http://www.sitec.fr/users/akenatondocks
 
 

 

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Gilles BOUSSOIS
(lui écrire)

 

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