AKENATON

 

(texte publié dans le catalogue de l'exposition "art dégénéré 2", Aix en Provence 1998)

 

Le parcours d'AKENATON commence fin des années 70, par la rencontre de Philippe Castellin et Jean Torregrosa tous deux engagés dans des pratiques artistiques reliées pour l'un au domaine de la poésie contemporaine (poésie visuelle, concrète etc.) pour l'autre à celui des arts plastiques. De là s'impose la commune volonté de dépasser /déplacer les frontières entre les secteurs de l'art dans une perspective intermedia telle qu'elle a pu être exprimée par Dick Higgins. Pareille volonté a conduit Akenaton à développer son travail en des lieux variés, parfois répertoriés comme appartenant au domaine des plasticiens, parfois à celui des poètes... et parfois même en dehors de tous les lieux classiques de l'art. C'est dans l'irrespect le plus complet des "parcours" obligés de l'art contemporain qu' AKENATON a développé sa trajectoire.

 

L'une des premières expressions du "programme" d'AKENATON fut (1985) la publication de "LIVRE" (Akenaton/Edition) qui s'ouvre par un texte qui par bien des aspects annonce les grandes lignes développées par la suite.

 

On peut d'abord remarquer qu'AKENATON dès son origine s'est refusé à envisager la création artistique comme une sphère indépendante de l'ensemble social et politique. Différents travaux réalisés durant ces années et toutes celles qui ont suivi prennent leur sens en liaison avec une réalité historique jamais occultée, terrorisme, famines, tiers-monde etc. Ce sont des préoccupations de cet ordre que l'on retrouve au centre de multiples travaux comme LeTemps Immobile (Rencontres Internationales de Poésie contemporaine, Tarascon 1988) qui réagit aux événements de la place Tien An Men, ou 1967-1970, installation/performance (Musée Ziem, Martigues) écho lointain  à la guerre du Biafra. Si ces travaux marquent l'intention de ne pas séparer l'art de son contexte planétaire contemporain, ils ne correspondent pas à une démarche "militante", mais à un ensemble de questions vécues et ressenties face au spectacle du monde. Ce sont ces questions, créativement revisitées accélérées et concentrées, qu' AKENATON tente de réadresser à lui-même comme aux autres: le moment créatif ne résulte pas de la conscience, il est le lieu d'une élaboration d'autant plus déterminante que c'est entre deux individus qu'elle s'effectue.

 

En résultent des travaux desquels le sens n'est jamais absent bien que multiple, glissant et inscrit dans un ensemble a priori ouvert de formes. L' ouverture formelle se relie évidemment à la diversité des espaces et des media: expositions murales, livres, video, performances, installations, mail art, informatique etc. Entre ces media  les choix ne se font pas indifféremment: AKENATON se montre très conscient de la spécificité de chacun des langages entre lesquels sont effectués des opérations de transcodage et bouclage au cours d'un échange sans terme. L'action peut donner lieu à une installation elle même vouée à se transformer en objet(s) voire en livre ou en texte et il s'instaure ainsi une sorte d'aller retour entre l'éphémère et le durable cohérent avec le sens esquissé comme avec les matériaux et les pratiques mises en oeuvre: d'un côté des éléments fragiles, légers et granulaires, des poudres, des graines, des cendres, de l'autre le recours à des résines et tissus polyester, eux liés à la stabilité, à la fixation voire à la "glaciation". Du même coup et au delà sans doute de la simple référence à l'historicité, c'est le temps qui semble constituer l'horizon commun à tous ces travaux.

 

Horizon au sein duquel se situe également le rapport d'AKENATON à la Corse, médié par la longue fréquentation créative d'un lieu précis, village abandonné au maquis: Stefanaccia. C'est en ce lieu et de ce lieu que nacquirent la plupart des projets réalisés par AKENATON, interventions "in situ" sur des espaces incendiés, images photographiques, ready made, utilisation ludique de matériaux et d'objets récupérés sur place, "sculptures privées" etc. Ainsi vécues la Corse et sa nature n'ont pas grand chose à voir avec un quelconque "paradis écologique". Partout au contraire affleurent les traces et les strates d'un espace marqué par les hommes bien que soumis à l'effacement et à la ruine. Espace où le maquis - corse ou non...- n'en finit pas d'avoir le dernier mot: une démarche plus soucieuse de discrétion poétique  que   d' arrogance monumentale:  nature, camouflage, art.

 

 

 

 

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