Des transformations de l’esthétique du point de vue de l’art et de la théorie à partir de la question de l’apport des nouvelles technologies

 

Philippe Boisnard

 

 

« Comment a pu naître l’idée que les lettres donneraient aux hommes le moyen de communiquer ? On peut penser à un être lointain, on peut saisir un être proche : le reste passe la force humaine. Ecrire des lettres, c’est se mettre nu devant les fantômes, ils attendent ce moment avidement. Les baisers écrits ne parviennent pas à destination, les fantômes les boivent en route. C’est grâce à cette copieuse nourriture qu’ils multiplient si fabuleusement. L’humanité le sent et lutte contre le péril ; elle a cherché à éliminer le plus qu’elle pouvait le fantomatique entre les hommes, elle a cherché à obtenir entre eux des relations naturelles, à restaurer le prix des âmes en inventant le chemin de fer, l’auto, l’aéroplane ; mais cela ne sert plus à rien ; l’adversaire est tellement plus calme, tellement plus fort ; après la poste, il a inventé le télégraphe, le téléphone, la télégraphie sans fil. »

_Ce qui est posé ici, dans cet extrait de Lettres à Miléna de Kafka,

 tient à la question de la réduction progressive du temps et donc de la distance, entre les hommes du fait de l’intervention de technologie. Plus les technologies permettent la transmission rapide du simple langage, plus se créer une distorsion de la relation, une disparition par la prolifération de fantômes.

 

_Tel que l’exprime Heidegger dans La chose, (Essais et conférence) :

« Dans le temps et dans l’espace toutes les distances diminuent […] Ce dont l’homme n’était autrefois informé qu’après des années, ou dont il n’entendait jamais parler, il l’apprend aujourd’hui en un instant, d’heure en heure, par la radio […] le comble de l’élimination de toute possibilité d’éloignement est atteint par la télévision, qui bientôt couvrira et dominera tout le complexe réseau des communications. […] Mais cette hâte à supprimer toute distance n’apporte aucune proximité, car la proximité ne consiste pas dans la réduction de la distance […] Petite distance n’est pas encore proximité. Grande distance n’est pas encore éloignement »

_Perte de l’aura de la présence pour le dire selon une terminologie benjaminienne. La proximité semble se retirer, disparaître, dans le simulacre produit par le temps réel et de l’ubiquité permise par les nouvelles technologies de la communication qui émergent dès le télégraphe.

Constat alarmiste, alarmé, en bref peut-être attisé en l’occurrence par les yeux de l’amour chez Kafka, qu n’a l’impression de ne rencontrer que des avatars créés par la distance et la médiation communicationnelle.

Paul Virilio dans Vitesse et Politique ou L’esthétique de la disparition, montre selon une perspective critique, ce qu’implique cette augmentation de la vitesse dans la communication, et la dématérialisation progressive de notre contact au monde physique.

De même qu’il insiste sur l’investissement politique de ces dimensions, selon une logique de domination.

 

Mais s’il y a lieu de s’interroger, et de mettre en critique ce devenir par la technologie notamment son rapport à la politique, il est évident que s’est constiuté par le biais de la technologie une forme d’investissement artistique utilisant la technologie pour mettre en critique ce devenir lui-même.

 

Hypothèse de travail d’une stratégie artistique

 

Implémentation dans ses propres dispositifs  de dispositifs lui pré-existant et servant aux domaines du pouvoir afin de contre-carrer leur propre logique de domination.

Burroughs, posé comme l’un des référents pour la beat génération. Mais ici le Burroughs qui nous intéresse, c’est celui de la révolution électronique

Des dispositifs de court-circuitage de l’espace public selon les moyens technologiques qui servent à dominer cet espace, à y mettre en circulation les énoncés homologués et signés par le pouvoir.

 

 

Comme nous allons le constater, pour suivre, cette transformation de l’intentionnalité artistique à partir de l’utilisation des nouvelles technologies, nous allons devoir transformer pour une part, notre rapport à l’expérience artistique.

Ce qui va nous intéresser c’est de comprendre de quelle manière, les nouvelles technologies, loin du constat ici mis en évidence, ne sont pas l’apanage des pouvoirs hégémoniques politiques ou économiques, mais à travers une réflexion sur l’art et la production esthétique, permettent certains types d’action critique, qui ne pourrait pas l’être sans leur intervention.

Pour ce faire nous questionnerons :

_dans un premier temps, la transformation de la définition de la nature de l’œuvre qui émerge par les nouvelles technologie, notamment et surtout celles qui appartiennent à la sphère numérique. Qu’en est-il de son unité matérielle ou substantielle, qui est visée par l’intentionnalité quand elle s’exprime vis-à-vis d’elle ? Quelles sont les déterminations de sa propree appartition, de sa phénoménalisation, aussi bien quant à l’espace qu’au temps ?

_Pour ensuite nous interroger sur la question de l’intentionnalité à l’œuvre de l’œuvre. Non pas la visée de la part de l’artiste, mais en quel sens l’œuvre, en tant qu’elle se destine, introduit certaines formes de relations à elle, comme le précise Danto dans La transfiguration du banal.

_Et enfin, en deux temps, nous établirons les transformations du rapport épistémologique à l’art

Puis les implications quant à la question politique et aux effets pragmatiques qu’il peut  avoir par rapport à l’œuvre.

 

 

1/ Limite classique dans l’art : l’unité matérielle de l’oeuvre

 

a)     La première limite la concrétion de l’œuvre : elle se donne selon une unité matérielle.

b)    Question de sa diffusion que l’on retrouve au niveau de la limite du lieu

c)     La limite de l’unité matérielle de l’œuvre va impliquer alors la reproductibilité de l’œuvre, sa reproduction, voire sa copie afin de la diffuser

_ la copie peut être considérée comme une falsification lorsque l’on considère une peinture,

_elle peut être  aussi autorisée, par exemple pour les marbres ou les lithogravures qui ont un nombre fixé, qui sont signés par l’auteur.

dans les arts audio-visuels puis numériques, il n’y aura peu à peu plus que des copies, l’original, pouvant ne plus exister, ou bien n’être aucunement assimilable analogiquement à ce qui est son résultat, sa production (un programme est totalement hétérogène, à ce qui sera produit, de plus le programme).

_ les œuvres qui naissent avec le numérique notamment et surtout, n’ont plus d’originale, au sens où l’original est immédiatement l’ensemble de ses copies, il n’en est pas séparé, il n’y a pas de qualité de l’original (programme du créateur sur son ordinateur) par rapport à ses copies (le programme lu et activé par un anonyme).  L’original, le programme ne permet pas de voir l’œuvre sans son actualisation en tant que copie.

_Plus que cela comme le tente Philippe Bootz, à travers de Passages, il n’y  a même plus de possibilité au niveau de l’expérience sensible de faire l’expérience d’une œuvre originale. Car de fait, comme il l’a thématisé depuis qu’il a entrepris ce travail (1992), la lecture est unique, et cette unique de la lecture (par variation de la jonction des séquences à partir de variables introduites par la reprise aussi bien de l’heure de l’ordinateur, que des spécificités hardware).

 

2/ 2èmee transformation : le temps de la diffusion

a) le temps de réalisation ici n’est pas ce qui compte, au sens, où que cela soit dans les arts plastiques ou les arts numériques, ce temps peut être variable, allant du jet immédiat comme dans la performance ou certaines écritures immanentes à leur diffusion comme sur la blogosphère littéraire ou le spampoetry (cf. le livre publié de Thierry Théolier chez Caméra Animales, Crevard baise Sollers qui se donne comme undocument ), à des œuvres qui demandent un travail préparatoire très long, telles les sculptures en marbre de Dominique Rayou pour lequel j’ai écrit déjà les deux premiers catalogues et qui a été exposé dernièrement sur les champs Élysées, ou bien des œuvres numériques programmées.

b) Le temps d’exposition d’une œuvre, de présentation de l’œuvre. Une œuvre dans son exepostion, est requise en tant qu’unité matérielle. Son exposition est temporellement déterminée. Elle n’est indéfinie que lorsqu’elle est posée dans une exposition constante. Alors qu’une œuvre numérique sur internet par exemple est temporellement toujours accessible en son commencement d’œuvre.

Ce qui est remarquable, c’est qu’une œuvre physique exposée n’est accessible à tout moment qu’en fonction de son invariance. Une sculpture par exemple est accessible en tant que telle dès lors qu’elle est exposée, une installation vidéo par contre pour être pleinement accessible suppose que l’on attende le commencement d’une série, autrement on s’introduit dans un flux qui a déjà commencé.

Tout au contraire une œuvre programmée est toujours accessible au début de son flux, au sens où c’est l’accession à elle qui déclenche son programme, le passage de sa puissance en tant qu’œuvre à son actualisation sur l’écran.

 

 

 

3/ le lieu de la diffusion + le temps de diffusion

a)     peinture : sa diffusion est locale et appartient toujours à une période déterminée. Sa visibilité dépendra de son temps d’exposition. L’œuvre est statique

b)    cinéma

c)     la télévision est déjà la question d’une démultiplication du lieu : la télévision en tant que réalité matérielle diffusée localisable n’existe pas, elle vaut seulement, localement, que dans cette démultiplication

d)    internet permet un redoublement de cette perte de lieu par une perte du temps. Il n’y a plus de temps de la diffusion. C’est un temps continu de publication pour un texte, etc ex : c’est ce qui est apparu avec l’affaire Costes, qui est depuis 98 en procès pour ce qu’il crée, mais qui a amené à réfléchir sur le statut des contenus sur le web : répondent-ils des règles de publication papier ou bien impliquent-ils une autre réflexion, en bref, dès lors qu’un contenu sur interneet peeut être renouvelé en permanennce ; donc être considéré en bref comme en permanence nouvellement publiable, est-ce que juridiquement on peut les considérer comme répréhensible selon une période légale ?

e)     L’espace en tant qu’ouverture toujours en puissance par rapport au numérique : le n+1

f)     mais il y a aussi possibilité d’hybridation temporelle

par ex : le site mémoire-vive permet d’envoyer en temps réel sur un blog de son site dédié  : aussi bien des podcastings audio (à partir d’un numéro de tel) que des podcasting vidéos (à partitr de son tel portable-vidéo)

Gerard Giachi :

 

4/ La question du retournement intentionnel

La question du spam poetry

a)     le paradigme classique dans lequel est tenu l’art impliquant son medium quant à l’intentionnalité

_ l’’espace muséal

_ l’espace de distribution (le cas du livre)

_ l’intentionnalité du lecteur

_les stratégies de diffusion, de sensibilisation médiatique

b)    l’inversion

_ brève réflexion sur le spam publicitaire : la provocation. Nous sommes typiquement face à ce que Heidegger a mis en évidence en tant que provocation technique : mais ce qui est provoqué à correspondre n’est autre que l’être humain.

Le spam publicitaire peut être esthétiquement de plusieurs sortes 1/ sans préparation esthétique, texte brut ; 2/ avec une présentation textuelle HTML (insertion de couleurs, de mis en page) ; 3/ présentation esthétique composée en PAO (typiquement utilisé par les spams pornographiques) ; 4/ spam phishing : faux spam, ou fausse information afin de pouvoir prendre à l’insu de son plein gré, des informations confidentielles à l’internaute.

Il est évident que les procédures esthétiques, ici ­— j’y reviens dans la partie 5 — ne sont pas à réfléchir selon un rapport esthétique, mais selon des stratégies cognitives et d’impact affectuels qui ont été délibérément pensé cognitivement.

_ le spam-art : mise à distance des mauvaises interprétations

_ spampoetry : temporalité / spatialité / intentionnalité

qu’est-ce que le spampoetry ? Le spampoetry historiquement est issu des années 94-95 et des premiers robots de spam inventés par exemple par Frédéric Madre.

è      Les différentes stratégies du spam art. Je présente ici le travail de l’Agence_Konflict_SysTM, qui a démarré sous mon nom d’abord pour devenir autonome // 1/ indépendant, mail non sollicité (War-Z actualité) ; 2/ avec support de site web lié au spampoetry (campagne passage à tabac contre la taxation du tabac en France) ; 3/ reprenant la force d’un spam par l’émergence d’un nouveau genre que ej’ai nommé le fakepoetry. 

c) Transformation des paradigmes : passage du virus à la cancérisation.

 

5/ de la transformation des œuvres à la transformation épistémologique du rapport critique que nous avons à elle :

 

a) La question de l’interaction : hypothèse de Couchot et Hilaire dans L’art numérique.

b) Pour en finir avec la modernité :

Que propose la modernité en art ? ou en littérature ? je parlerai bien évidemment davantage de la littérature, maîtrisant davantage ces enjeux :

Ce qu’elle offre comme le dit Pigent, ou bien peut le rappeler Badiou dans Le siècle, c’est la question de la négativité, de ce qui vient résister à la représentation, se tenant dans son événementialité.

La critique alors tente de saisir dans l’œuvre ses soubassements formels et cognitifs

 Christophe Hanna

c)     Nécessité d’une autre approche de la dimension esthétique des arts numériques = Mario Costa, Internet et globalisation esthétique, L’Harmattan.

_ il distingue plusieurs points au niveau des avancées pour la recherche en esthétique

1/ comme nous l’avons déjà dit avec Hanna ou Couchot et Hillaire : « les données sensibles du produit ne sont plus considérées comme un intermédiaire négligeable vers les expériences spirituelles supérieures (…) L’objet esthétique correspond au produit et se résout complètement en lui »

2/ « Le travail esthétique devient une véritable investigation intellectuelle ; la vieille notion de « personnalité artistique » est remplacée par celle d’un sujet épistémologique à intentionnalité esthétique », sujet qui n’st pas nécessairement singulier et personnel et qui met en œuvre des dispositifs où toute distinction entre l’artistique,le technique et le scientifique devient impossible. »

3/ dans l’œuvre les signifiants peuvent devenir aussi important que que les signifiés. Certes, déjà le travail de Duchamp et son explication de la fontaine en 1964. toutefois, le travail du signifiant devient beaucoup plus problématique du fait des interconnections entre contenu de l’œuvre (du point de vue de ses signifiants : structure formelle, réimplémentation, etc…), enttre matérailité de l’œuvre (ordinateur, support logiciel, etc…)

4/ dissolution de la notion de sujet et « d’appartenance au singulier » d’où un tournant par rapport à la questio moderne du sujet que l’on peut voir chez les avant-gardes.

 

6/ mise en corrélation de l’époque postmoderne et du travail qui s’effectue numériquement :

 

_ comment définir l’époque post-moderne : Lyotard

_ Travail numérique : question de la fragmentation des créations :

micro-impacts, mais impact possible, micro-dispositifs dans la toile mondiale :  les effets infimes d’intrusivité et ses potentialités pragmatiques.

Analyse de la blogosphère en formation. Les effets médiatiques sont certes toujours en relation avec les macro-structures et l’histoire commune, mais elles sont aussi de plus en plus reliées à une parcellisation de l’accès à la dimension médiatique par le biais des nouveeaux dispositifs du numérique, et dès lors peuvent interagir avec la sphère médiatique traditionnelle :

Ex : Le fakepoetry fait par les Pastamen et l’Agence_Konflict_SysTM

90 000 visiteurs

mais plus que cela c’est d’un coup le fait d’avoir été chronique sur LCI, d’avoir eu des interviews sur plusieurs radios, notamment France-Inter, d’avoir été interviewés et chroniqués dans des journaux comme Libération. Le résultat, derrière toutes les défenses de l’UMP et de Yves Jégo (porte parole de l’UMP) entre autres, l’arrêt de leur campagne de spam.

Ce qui pose que l’action dans un monde déterminé post-modernement, est lié  à une interactivité spontanée et rapide avec son actualité. Le but n’est pas de fournir une œuvre paradigmatique (par exemple Guernica de Picasso est paradigmatique de l’atrocité du soutien nazi au fascisme espagnol et à franco) mais de créer une œuvre, qui comme le dit parfaitement Christophe Hanna aura sans ddoute une durée de vie courte et relative à son action.

_ la question de la démocratie et des micro-dispositifs : Derrida Voyous

 

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