transitoire observable

Seuil de Recherches et de Création sur les Formes Procédurales Transitoires Observables


 
       Les conceptions et l'utilisation du dispositif informatique ont évolué à travers les nombreuses démarches artistiques depuis l'origine de l'art numérique. Plusieurs perspectives formelles attachés à l'utilisation de ce dispositif se dégagent aujourd'hui. Dans cet ensemble riche, nous distinguons une voie, la mieux adaptée à notre avis pour approcher ce qui peut être nommé sans ambages une œuvre numérique. Cette voie est  la production des  formes procédurales transitoires observables, formes informatiques indépendantes, ancrées dans la programmation et dotées d'une grande autonomie. La matière première utilisée pour produire ces formes n'est ni le son, ni l'image, ni le texte ni un quelconque mixage de ces trois médias, mais un ensemble de  processus codés, supports immédiats, qui viennent et s’imposent en tout premier lieu dans la mise en forme de nos projets créateurs. Qu'il soit bien clair que la voie que nous suivons est tout entière située dans le champ de l'art, même si la programmation est un outil indispensable dans la production de nos formes, le premier outil. Nous n’utilisons la programmation que dans la stricte mesure où elle nous permet d'aboutir aux processus formels qui nous intéressent. Matériau, elle ne constitue pas une quelconque finalité artistique. Notre démarche ne s'intéresse pas non plus à l'outil informatique en tant que tel et de façon mécanique, mais au dispositif procédural dans lequel il intervient, et aux circonstances dans lesquelles des œuvres transitoires observables sont partagées par un créateur et son public.

Donc

-      Nous fondons notre démarche artistique sur les caractéristiques procédurales du dispositif informatique. C’est pourquoi les formes que nous créons peuvent être nommées formes procédurales. Elles ne peuvent se concevoir sans une prise en compte de l’ensemble du dispositif.

-      Nous utilisons plus particulièrement la spécificité de ce dispositif :  il met en jeu tout à la fois les algorithmes et le processus d’exécution du programme, il est logique maîtrisée et action non maîtrisable.

-      Nous travaillons la pâte des œuvres informatiques programmées et l'autonomie procédurale qui les caractérise.

-      Nous tentons d'élaborer un outil d'analyse spécifique, venant de l'intérieur même des formes ainsi produites et capables d'en appréhender la singularité.

L’œuvre procédurale transitoire observable est duale. L'auteur crée un programme mais le lecteur ou le spectateur interagit avec un processus observable qui échappe, aux volontés et à la logique algorithmique que l'auteur a manifestées dans ce programme. Tous deux pourtant réagissent aux éléments observables à l'écran ou sur tout autre support, chacun dans sa sphère, l'un dans la production, l'autre dans la réception de l'œuvre. Cette dualité signifie que
l'exécution chez le spectateur de ce programme n'est pas la reformulation par procuration de ce programme. Ainsi donc, l'auteur créé mais ne fixe pas obligatoirement ce qui est observé par le spectateur/utilisateur. Les éléments observables par l'un et l'autre diffèrent parce qu'ils ne sont pas des objets stables et reproductibles, quand bien même le voudrait l'auteur, mais des états transitoires du processus d'exécution
. C’est un fait. Ajoutez-y l'autonomie du processus, cette barrière qui allonge dans nos œuvres, plus encore que dans tout autre dispositif, la distance qui sépare l'auteur du spectateur/utilisateur, ajoutez donc des manipulations programmatiques effectuées par l'auteur qui amplifient par une algorithmique appropriée le caractère transitoire des événements observables, ou qui travaillent sur des caractéristiques non observables à l’exécution, et vous comprendrez que de nouvelles formes peuvent être fondées sur ce seul axiome : le résultat observé est généré par un processus programmé, il est un état et non un objet.

Voilà notre projet : poser la question de l'art dans ce dispositif.

Philippe Bootz, Alexandre Gherban, Tibor Papp

 6 Février 2003